10 novembre 2005

L'Emir Abdelkader, la conférence de Mustapha Cherif


Conférence inaugurale- Colloque international par le Pr. Mustapha Chérif* en Mai 2005 à la BNA, Alger.


LA MEMOIRE ET L' EMIR :
Le Coran, source d'inspiration majeure de l'Emir Abdelkader, insiste sur le rôle central du rappel, de la mémoire, et du souvenir. …" L'Emir Abdelkader, le devoir de mémoire et les défis de l'heure " tel est donc le thème de notre rencontre. Ensemble, durant ces deux jours, nous tenterons par l'échange et la synthèse, de rendre compte d'un ou plusieurs aspects de nos recherches. Cela nous permettra d'approfondir nos connaissances sur ce grand trait d'union qu’est l'Emir Abdelkader, figure emblématique de l’universel.
Notre dette est immense vis à vis de cet être exceptionnel. D'autant que, malgré les réels efforts et progrès entrepris, jusqu'à ce jour, l'oubli accompagne la mémoire et diminue nos chances de réaliser la cohérence entre l'authenticité et la modernité.
Il est vital que la mémoire prime l'oubli. Responsables des institutions publiques, acteurs de l'école, de l’université, de la recherche, opérateurs de l'information et de la communication, à tous les niveaux, ensemble nous avons une part de responsabilité.
La mémoire est parfois sélective, conditionnée, orientée, partiale, partielle, infidèle, fragilisant les nouvelles générations qui ont pourtant besoin de connaître librement et scientifiquement leurs sources, leurs passés, leurs repères et symboles pour pouvoir se projeter, en tirant les leçons de l'histoire de leur aînés et par là s'inscrire dans le mouvement du progrès, sans perdre leurs âmes.
Il ne s'agit nullement de passéisme, de culte de la personnalité, d'apologie, de légende dorée, ou de regard figé. La pensé de l'Emir Abdelkader transcende toutes nos subjectivités, ambitions, surenchères ou oublis. La recherche, en la matière, avec le recul, en fonction de l'évolution, a pour tâche de retrouver sereinement les traces, le contexte et le sens des événements et des personnalités qui ont fait. l'histoire, pour permettre leur compréhension, afin de favoriser toutes les formes de réconciliation, de progrès et de repères .Il s'agit d’empêcher que les malheurs de l’histoire se répètent, et que ses bienfaits et modèles éclairent nos chemins…L'irruption de la question de la mémoire au sein de la société civile, prend principalement deux formes parallèles, ceux qui dénoncent, à juste titre, l'oubli ; en général les groupes et les personnes concernés; et ceux qui, parfois des jeunes, se plaignent de l'excès de répétition en matière de devoir de mémoire. Il y a lieu de répondre que les leçons du passé, de l'expérience ancienne, leçons de l'histoire, doivent êtres lues et retenues de manière pédagogique, avec le regard de l'objectivité, en fonction des défis de notre temps. Travail qui doit corriger, critiquer, interpeller, à la fois, la mémoire subjective, l'amnésie ou les excès. La mémoire historique, nous dit un philosophe, est "un rendez vous tacite entre les générations passées et présentes". Le devoir de mémoire et de témoignage renvoie en conséquence à un état de responsabilité de tout un chacun face au passé. Cependant, nous constatons que malgré les travaux décisifs et résultats louables, anciens ou récents, la vie et l'œuvre de L'Emir Abdelkader restent peu connues dans toutes leurs dimensions, notamment pour les nouvelles générations. Les actes concrets, symboliques et d'envergure sur le plan de la politique d’une nation, qui permettent de perpétuer la mémoire de l’Emir, restent encore à venir…En effet, malgré une littérature officielle dont les limites sont connues et par delà les acquis réels, telle en l'occurrence l'existence de la Fondation qui n'a de cesse de tenter de mettre en valeur ce pan inestimable de notre patrimoine, l'Emir n'a pas eu toute la place qu'il méritait dans le paysage historique, éducatif, culturel, politique et humain de l'Algérie en premier lieu, et ensuite dans les pays concernés par son expérience et son itinéraire…En Algérie, cela nous aurait peut être éviter, ou a tout le moins limiter, la crise, la dérive et les contradictions que la société a vécues ; prise en tenaille entre les tenants du repli et de l’obscurantisme et ceux de la dissolution et de la dépersonnalisation. Il est heureux cependant de constater que ces dernières années, sur le plan de la mémoire, nombre de tabous sont tombés; des personnalités historiques de tous les horizons et époques sont réhabilitées, ou redécouvertes, remises sous les lumières du souvenir … C’est un travail politique monumental de la mémoire et de la réconciliation. Les historiens et autres spécialistes ont pour tâche de le soutenir et de l’approfondir. Ces dernières années à l'Etranger, notamment en France, un progrès est fait, en direction de la vision de l’histoire de la colonisation française de notre pays. Ce ne sont plus des « événements » affirme t-on, mais une « guerre » qui a eu lieu et des responsables politiques reconnaissent les aspects tragiques de cette période de l’histoire. La France du siècle des lumières et de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, par devoir de mémoire, ne peut que mettre fin à l’oubli et à l’amnésie de l’occupation de l’Algérie, pour renforcer le respect mutuel et consolider des relations profondes, que plus rien ne doit contrarier. Mémoire et avenir sont liés. L’Europe que nous souhaitons, dont nous sommes la frontière Sud, a pour tâche aujourd’hui de dialoguer et de s’allier avec nos pays, de redonner à la Méditerranée sa centralité et sa visibilité. L'Emir Abdelkader, par son éducation, son savoir et ses multiples contacts et correspondances avec les élites politiques, scientifiques et religieuses du monde entier, a intégré le regard de l’autre, thèse, anti- thèse, synthèse. Moi, puis moi et l'autre, Nous, ou ni toi ni moi, mais l’Universel. Le dialogue était sa méthode, pour favoriser le rapprochement et la convergence Il est celui qui s'est inspiré de manière profonde et fidèle du modèle par excellence, le Prophète. Et ce n'est pas par hasard que le premier Mawqif des Mawaqifs est le commentaire de la Parole coranique sur le Prophète :
" لقد كان لكم في رسول الله أسوة حسنةExaminons en conséquence, en deuxième partie, les trois aspects essentiels, de la personnalité de notre modèle qui perpétue une mémoire et un type d'être universel.

II - LE MODELE PAR EXCELLENCE
Le récit événementiel, l’imagerie populaire, les commentateurs retiennent en général, et sous certains angles, la dimension de résistant et de chef d’Etat. Ils ne mettent pas assez l’accent sur les deux autres aspects de cette personnalité plénière : le maître spirituel et le penseur universel. Alors que les trois aspects ou versants de la personnalité de l’Emir sont évidemment indissociables, complémentaires, cohérents et harmonieux, avec une dimension saillante, pour l’un ou l’autre, selon les circonstances, les étapes et les épreuves de la vie auxquelles il fut confronté.
Résistant, maître spirituel et penseur, ou dit autrement, engagement politique, foi et savoir. Trois dimensions à comprendre au sens noble – résistance et engagement politique, au sens de légitime défense de la patrie, avec un projet de société ouvert et des fondements d’un Etat moderne au service du peuple. Spiritualité, religion, foi, à saisir comme sens ouvert de la vie, fondé sur la relation au ghayb, l’au delà du monde, marqué par el taqwa et el ihsan, le bel agir, el muaamala el hassana: pratique religieuse des lumières et de l’hospitalité, qui s’inscrit dans la direction de la communauté médiane, ummat el wassat.
1- المقاوم و الرئيس , le résistant et le chef d’Etat.
L’engagement de l’Emir est fondé sur l’amour de la patrie, la défense des valeurs communes et la culture de la résistance. Cela a caractérisé son action. Ce premier aspect la propulsé, malgré lui, à 24 ans, sur le devant de la scène de l’histoire nationale et mondiale. Aujourd’hui face aux nouvelles formes de menaces, d’incertitudes et de risques, il nous faut apprendre à responsabiliser les citoyens. L’Emir Abdelkader, nous à laisser comme enseignement le fait que la défense de la patrie pour assurer la souveraineté, la sécurité et la paix en tous temps, est une responsabilité collective. En termes religieux, cela signifie agir fi sabil Allah. Notre Héros avait toujours pour souci d’avoir prise sur la réalité, en puisant dans sa foi.
La lutte armée, la guerre, les hostilités sont une action défensive, sachant, comme le précise le Coran, que Dieu n’aime pas les agresseurs" إن الله لا يحب المعتدين "

Au sujet du Contrat, marqué par la moubayaa, qui le liait à son peuple, Abdelkader Ibn Mohiedine proclame : « Nous vous invitons à confirmer cet engagement et le contrat passe entre eux et moi-même …je gouvernerai la loi à la main. » Il sanctionne sévèrement tous les manquements au devoir et en même temps pratique la rahma et la concorde pour souder les liens sociaux. Son but était clair, il le précise « unir les croyants …apporter une sécurité générale à tous les habitants de ce pays …refouler et battre l’étranger qui a envahi, dit-il notre patrie. » Il ne s’agissait pas de se battre seulement contre un agresseur, une des plus fortes armées du monde à l’époque, mais en même temps de bâtir graduellement un Etat de droit et de rénover une société sur la base de principes civilisationnels, remparts durables, préventifs et dissuasifs contre toutes les formes d’agressions externes et de dérives internes.
Sa résistance guerrière n’a pas dégénéré, à contrario, à la fois, des armées d’occupation, d’hier à aujourd’hui, qui enfreignent les principes humanitaires, et des groupes qui prétendent résister à l’occupant en utilisant la violence aveugle et nuisent à ce qu’ils croient défendre. Sa résistance, en tant que légitime défense a été exemplaire. Tous les témoignages l’attestent, il respectait le droit à la vie pour les non belligérants et les droits des prisonniers. Stratège, homme de parole, il organisait la résistance ou négociait, en puisant à la fois dans les valeurs spirituelles, les réalités du pays et le savoir universel. La prise de conscience de la légitime défense, de l’adversité et des antagonismes, n’autorise pas, nous a appris l’Emir Abdelkader, à tomber dans l’extrémisme, pur aveuglément. Il n’a jamais confondu entre hostilité et haine, entre l’armée coloniale et la religion de l’autre. En s’opposant à ceux qui voulaient tuer des milliers de chrétiens à Damas, la haine, disait-il viole toutes les lois de l’Islam et de l’humanité, y compris les lois de la guerre. Au prix de sa vie, il a sauvé cette communauté par conviction et foi... L’exemplarité était sa règle : « Si mon propre frère, disait-il, fautait, je le sacrifierai. ». Ce singulier, chef de la résistance, Rais El mouquaouma a redéployer et consolider l’ancestrale culture de la résistance. Les Zaouïas et ordres soufis furent un des creusets et ferments d’avant-garde de ce mouvement. Jacques Berque, dans Maghreb histoire et sociétés, précise à ce sujet : « L’historien sociale ne saurait se contenter de vérités sommaires. Il n’oublie pas le rôle que l’Islam confrérique a longtemps joué au Maghreb comme veilleur, si l’on peut dire, de la nationalité….Abdelkader…un guerrier model, entraîneur de coalitions tribales et maître utilisateur de l’espace nord africain. Il tire sa force de ce qu’une sociologie nommerait le rapport culture nature. » Son ennemi d’hier, Bugeaud écrit dans ses mémoires : « on peut dire à l’honneur d’Abdelkader que jamais grande insurrection d’un pays n’avait été mieux préparé et mieux exécuté ». Abdelkader ibn Mohiedine a combattu durant quinze ans par devoir sacré pour la Patrie, en soulignant dés le début : « je ne veux pour moi aucun des prestiges auxquels vous penser ». C’est cette philosophie et ces principes politiques nobles, fondés sur le sens du sacrifice, de l’honneur et de la bravoure qu’il nous faut expliciter, diffuser, et enseigner, en vue de tenter de renouer des liens sociaux distendus, voire rompus par les contraintes et contradiction de notre société et époque…Mettre fin à la guerre de résistance et s’exiler était pour lui l’acte le plus douloureux de sa vie. Il l’exprimera, plus tard, dans une de ses correspondances à l’évêque d’Alger : « je ne pouvais me résoudre à descendre de mon cheval et dire un éternel adieu à mon pays …j’avais juré de défendre mon pays et ma religion, jusqu'à qu’aucune force humaine n’y pût plus suffire… » Vu le déséquilibre des forces, le mouvement de l’histoire à l’époque et l’abandon qu’il subissait de la part de certaines tribus et voisins, il précisait : « je n’ignorais pas qu’elle serait l’issue plus ou moins tardive de la lutte. » Mais, la conscience apaisée, il savait que le temps, à l’échelle de l’histoire d’un peuple, ne peut être que celui du rétablissement de la logique historique de la souveraineté et de la délivrance. Malgré les trahisons et les opportunismes de certains ; il ne doutait pas que l’essentiel, c'est-à-dire la culture de la résistance, qu’il avait réussit, de manière profonde et exemplaire à régénérer, ne pouvait pas s’éteindre. Il l’a préciser à lui-même et à la postérité, en confiance à son peuple et à l’avenir, dans un poème magnifique et visionnaire il écrit: « Tu as atteint ton but, sois tranquille, notre nation revivra et le rameau de la guerre libératrice ressuscitera… » Pensée prémonitoire, confiante qui annonce et imagine, un siècle avant, la venue inéluctable du temps de la libération.
La négociation, le dialogue puis l’amitié avec l’ennemi d’hier, il la concevait comme une logique de respect mutuel, refusant, plus tard, avec hauteur de vue, dignité chevaleresque et fidélité à l’Algérie, toutes les propositions européennes et arabes, qui cherchaient à lui faire assumer des responsabilités politiques au moyen orient, y compris celle de Sultan et de Roi, dans la trame des enjeux de cette région.
2- El mohsen – le bel agissant
En 1826, à l’âge de 19 ans l’Emir effectue le pèlerinage, en musulman pratiquant l’ihsan, le bel- agir, dans tous les sens du terme, l’exercice du dikhr, les actions pieuses, avec comme référence, le Coran et la sunna. Chérif, descendant du Prophète, fils de la Zaouïa Quadirya dirigé par son père, il fut en effet initié des son plus jeune age par ses parent à l’éducation musulmane empreinte de noblesse. Apres la résistance, jusqu'à la fin de sa vie, il continuera le grand djihad.Dans son troisième mawqif, il interprète un verset qui interpelle le Prophète, et par là les croyants en général et el muhsinin en particulier : " فسبح بحمد ربك و كن من الساجدين حتى يأتيك اليقين "
L’Emir a défini la mystique, la voie spirituelle approfondie, le soufisme, al tassawuf, comme la station élevée du bel agir, l’ihsan, le haut degré de pratique de la foi, sur la base de la compréhension batinya et dhahiriya de la charia. Son 32 eme mawqif, nous donne un éclairage saisissant sur la force intérieure qui le soutenait Il cite un Hadith qodsi:
" لا يزال عبدي يتقرب إلي بالنوافل، حتى أحبه فإذا أحببته كنت سمعه الذي يسمع به و بصره الذي يبصر به "
Et c’est au sommet du Djebel Nour , dans la grotte Hira, lieu inaugural de la Révélation à la Mecque, qu’il perfectionna son Aptitude , par la progression la plus haute , pour dit –il accéder aux illuminations spirituels de rutbet al kubra , et el feth el nourani . Dimension intime, invisible, intérieure, de la foi touchée par el nur, jusqu’au tréfonds de l’âme. Par delà les tariquas, les maîtres vivants ou anciens, son éducation exemplaire et son caractère enclin à l’élévation, à la recherche d’el haqiqa, ont été marqués par un machreb englobant, cheikh chioukhs, cheikh el Akbar Mohydiene Ibn Arabi, qui fut son maître, hors du temps, séparé en apparence par six siècles et proche par sir al ghayb.
C'est grâce à l'Emir Abdelkader el Djazairi que l'œuvre monumentale d'Ibn Arabi fut recopiée à Konya puis éditer en 1871 pour la première fois à Damas, financé par ses bon soins. Les savants arabes de l'époque dénommaient l'Emir : Warith Al Ulum - Al Akbarya. L'œuvre théologique et spirituelle de l'Emir a renouvelé " Sir " Cheikh Al Akbar. L'Emir a été comme un dépositaire pour perpétuer la Baraka et enseigner avec force et sagesse l'Islam de toujours. L'Emir Abdelkader commente dans son 7 éme Mawqif le verset explicite au sujet de la proximité, du Divin, de l'Absolu, par l'âme de croyant
"و نحن أقرب إليه من حبل الوريد ".
Son expérience religieuse a atteint des cimes – il écrit
" أخذني الحق عني... ".
" Dieu m'a ravi à mon moi illusoire… le voyage à atteint son terme et ce qui est autre que lui a cessé d'exister ".
L'Ihsan, l'Islam des lumières, est à l'antipode, d'une part, des déviations idéologiques et autres instrumentalisations de la religion et d'autre part des tentatives de marginalisation du fait spirituel. L'Emir Abdelkader notre modèle nous montre le chemin de la spiritualité vivante qui réalise le lien entre la religion fondée sur le principe que la vie dernière est meilleure pour toi qu'ici bas " الآخرة خير لك من الأولى "
et la nécessité de faire face au monde pour assumer ses responsabilités
et défendre ses droits " و لا تنسى نصيبك في الدنيا ". N'oublie pas ta part en
ce bas monde.
Réaliser l'équilibre dans l'épreuve du vivre, l'Emir Abdelkader en commente le sens dans le centième mawqifs , ou il cite un verset significatif : و لنبلونكم حتى نعلم المجاهدين منكم و الصابرين " . " "Nous vous mettons à l'épreuve jusqu'à que nous sachons qui d'entre vous fait effort sur le chemin de Dieu et sont patients "
Notre modèle à été un maître, se référant aux grandes sources de la tradition de l'Ihsan .En reprenant Ibn Atta Allah Escandrani, il nous dit que : celui qui oriente sa conduite vers Dieu, dans l'ouverture à la vie, pour honorer la vie, et non point dans la fermeture, a tout à gagner : ماذا وجد من فقدك ، و ما الذي فقد من وجدك ", Qu'a-t-il perdu celui qui t'a trouvé ? Et qu'a-t-il trouvé celui qui t'a perdu ?
III - LE SAVANT, LE PENSEUR , LE CHERCHEUR :
La vie quotidienne de l'Emir Abdelkader est symbolique comme mode de comportement attaché au savoir et à la connaissance, exigeant avec lui même au plus haut point.
Churchill écrit à ce sujet :" il se lève deux heures avant l'aube, et s'adonne à la prière, à la méditation religieuse jusqu'au levée du soleil. Il se rend alors à la mosquée. Après avoir passé une demi heure en dévotions publiques, il rentre chez lui, prend une rapide collation, puis travaille dans la bibliothèque jusqu'à midi. L'appel du Muezzin le convie alors une nouvelle fois à la mosquée, où sa classe est déjà rassemblée, attendant son arrivée. Il prend un siège, ouvre le livre choisi comme basse de discussions, et lit à haute voix, constamment interrompu par des demandes d'explications qu'il donne en ouvrons ces trésors multiples d'études laborieuse d'investigations et de recherches qu'il a accumulés tout au long de son existence agitée . La séance dure trois heures… Après la prière de l'après midi, l'Emir rentre dans son foyer et passe une heure avec ses enfants, ses huit fils, examinant les progrès qu’ils font dans leurs études … Au coucher du soleil, il est de nouveau à la mosquée où il instruit encore sa classe pendant une heure et demie … Il a encore deux heures devant lui, il les passe dans sa bibliothèque ".
Cette description minutieuse nous présente avec clarté le Savant, le penseur, l'homme pieux épris de recherches jusqu'à la fin de ses jours.
En tant que penseur et savant, et vu son action multiforme, sur tous les fronts des débats culturels , théologiques et scientifiques , il fut en vérité le père de la Nahda , tentative de renouveau et de réconciliation de la nation arabo-musulman avec elle même et le monde. Mouvement repris sur le plan des idées par Djamel din el Afghani, Mohamed Abdou et Rachid Redha, au machrek et Abdelhamid Ibn Badis en Algérie. Dans ce domaine aussi, c'est comme une œuvre inachevée, mais l'histoire du peuple s’inscrit, nous disions dans la durée.
Sa pensée a influencé un grand nombre de penseurs musulmans, arabes ou occidentaux. Un disciple de l'Emir, Algérien installé en Egypte comme Imam représentant du Medhab el Malikite, Cheikh Allich a été un de ceux qui ont perpétué la pensée de l'Emir notamment auprès de soufis européens . Ce qui a inspiré de grands auteurs comme René Guenon qui au milieu du vingtième siècle dans ses ouvrages clefs comme : " la crise du monde moderne " et " le règne de la quantité " fait la critique du modèle occidental moderne, en s'inscrivant dans la Tradition primordiale et mystique, sans exclure les sciences dites logiques. L'universel est l'horizon de l'Emir et des êtres de la voie " où que vous tournez là est la face de Dieu "
"و حيثما كنتم فثم وجه الله" … nous dit l'islam de toujours, l'islam universel c'est ce que nous rappelle l'Emir.

En conclusion l'Emir Abdelkader, cet être de responsabilité, de foi et de raison, nous renvoie à notre conscience, afin de pouvoir faire face aux épreuves de l’existence.
Les épreuves et les défis sont multiples. En puisant dans ces trois dimensions, c'est-à-dire sans marginaliser ou oublier l'une d'elles, nous avons une chance de surmonter les défis.


L'Emir Abdelkader, modèle d'entre les modèles, nourri des orientations du Coran comme " كل من عليها فان " Tout est finitude, s'inscrivant dans un horizon de lumière : " كان يدعو إلى أفق نوراني: و الله يهدي لنوره من يشاء"، كان يريد أن نتذكر و نذكر بأن الأهم، وفقا للإيمان، هو الواعي المطمئن مبنيا على الحب و الدفاع عن الوطن و الإنسانية.
veut que l'on se souviennent et se mémorisent que l'essentiel, en traduction de la foi, réside dans la conscience tranquille, d'avoir aimé et défendu sa patrie et l'humanité.
هو الذكر و الذكرى و ممارسة الحق و الجمال و العدل
C'est le souvenir et la pratique du vrai, du beau et de juste.
ملتزم و صبور أمام المحن، صاحب التفتح و المعرفة، رئيس المقاومة، شيخ المحسنين وعارف العارفين. هذا هو الأمير عبد القادر الذي يدعون إلى الربط مع الرحمن
Engagé et patient dans l'adversité, être de l'ouverture et de la connaissance, telle est la figure universelle que nous laisse l'Emir Abdelkader, afin que le lien entre les justes et le Divin soit source de vie.
" ربط المحسنين و الصالحين المتفتحين للحق و الجمال و العدل مع الرحمن ذي الجلال و الإكرام الذي كتب على نفسه الرحمة، هذا الربط الذي يحقق الفوز العظيم «: كما قال الله عز و جل:" ليحبهم و يحبونه "



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