10 novembre 2005

Conférence à Grenade (Espagne) du 9-10 décembre 2005


"L'Alliance des civilisations"

A l'occasion du dixieme anniversaire de la déclaration de Barcelone Processus Euro-Med, a eu lieu à Grenade une conférence internationale sur le thème : "L'Alliance des Civilisations en Méditerranée". Mustapha Cherif y a présenté en tant que conférencier le 10 décembre 2005 une intervention sur le sujet : " Les civilisations face au désordre mondial".

LES CIVILISATIONS FACE AU DESORDRE MONDIAL

Par Mustapha Cherif*

Nous sommes inquiets, en rive Sud. Vous êtes inquiets, en rive Nord. Nous devons l’être. Mais est ce toujours pour les mêmes raisons ? Nous avons parfois des lectures différentes, quant aux causes et solutions à apporter aux problèmes actuels du monde, notamment en Méditerranée. L’inquiétude, sans doute compréhensible, doit se garder de la peur qui est toujours mauvaise conseillère. Elle doit se garder de la propagande du choc, de la stigmatisation et de mettre l’accent sur un seul type de risque, de violence et de terrorisme. Cela n’est pas constructif. C’est même une immense diversion, par rapport aux problèmes politiques. L’approche du choc, prônée par tous les extrémistes, est si peu conforme à la réalité des peuples et des grandes religions monothéistes, malgré les heurts du passé et les fracas de l’actualité
Mettre fin aux amalgames et confusions
Tout dialogue, toute alliance et tout travail commun, doivent prendre en considération un préalable, celui de mettre fin aux amalgames, aux préjugés et aux confusions. Tout comme l’inquisition, le nazisme, le fascisme, le colonialisme ne sont pas dans l’Evangile, ni le goulag dans Marx, le terrorisme des faibles, le fanatisme et la violence aveugle ne sont pas dans le Coran. Malgré nos retards, nos sociétés ne sont pas figées au point ou certains veulent le faire croire. Rien, par rapport à nos références propres et notre histoire ne s’oppose à la démocratie, à la sécularisation et à la liberté comme fondement de l’existence, bien au contraire.


Par delà toutes les contraintes et la complexité de la situation, les opportunités de reformes, de changements, du dedans, et d’alliances avec les autres civilisations, existent bel et bien. En dialogue et négociation, avec nos voisins et partenaires, dans le respect mutuel, sans ressentiment, les problèmes de l’espace méditerranéen, peuvent êtres résolus. Pour faire face aux défis communs, réapprendre à vivre ensemble, réaliser la cohérence entre l’unité et la pluralité, la justice et la paix, le dialogue est la voie. Retrouver une nouvelle Andalousie autour de la Méditerranée est notre idéal, ce n’est pas une utopie, c’est une exigence de l’avenir. Les atouts internes à la rive Sud sont : - la jeunesse de notre population, 75 % a moins de trente ans, assoiffée de savoir, de connaissance et de progrès. Une culture ancestrale de la résistance à la dépersonnalisation et l’attachement majoritaire, à la modération, la ligne médiane, du juste milieu, comme orientation de vie. -Une proximité à l’Europe, l’appartenance à la Méditerranée, qui rendent possible l’échange et la synthèse, y compris par l’altercation.

Les défis communs

Les projets de partenariat, de coopération, et de concertation, comme le processus euro-med, et de règlement de questions politiques, comme celle du moyen orient sont en panne. Au moment ou, paradoxalement, on a besoin les uns des autres, pour faire face à des problèmes de fond préoccupants. Pour nous autres, citoyens du monde, aujourd’hui, est inquiétant le fait majeur que, malgré des progrès prodigieux dans nombre de domaines, il n’y a pas de civilisation universelle. Il nous faut souligner, dans ce cadre, le caractère expressément problématique des questions qui se posent, comme celles de la liberté, de la démocratie, du capitalisme, que la pensée moderne elle-même affronte encore avec des difficultés profondes. Face aux incertitudes, aux menaces et aux risques, on ne peut pas raisonner les gens désespérés, les remettre au travail, mobiliser les peuples, s’ils restent réprimés, dominés et-ou simplement étrangers à la désignation des responsables, au choix des programmes, à l’apprentissage du vivre ensemble.

Les enjeux

Face aux défis de l’heure, ce qui nous unit est bien plus important que ce qui peut nous séparer. De plus, depuis quinze siècles, en dépit des antagonismes, la proximité des peuples «arabes» avec les peuples « européens » est d’une édifiante constance. Les dérives de la modernité et de nos traditions respectives ne peuvent être corrigées seulement par l’unilatéralisme et l’isolement, ni par des formes particulières de telle philosophie ou de telle culture, mais par l’action commune fondée sur une juste compréhension, une juste conscience de l’articulation à réinventer entre le spécifique et l’universel, entre la justice et la liberté, alors que dominent les exclusions. En conclusion on doit apprendre à prendre du recul, pour faire face à trois difficultés majeures, sur le plan du fond, fort préoccupantes : la sortie de la religion de la vie, la remise en cause des pratiques démocratiques et le recul du droit à la différence. Pour y faire face un seul chemin : celui du dialogue et de l’alliance. Nous avons, encore, confiance en nous mêmes, nous avons, encore, confiance en vous.
*Tous droits réservés. Reproduction interdite.


1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Cher M. Chérif,
Je vous souhaîte une très bonne intervention à Grenade, symbol et pendant des siècles de la cohabitation entre les trois religions du Livre, ce qui a produit le plus bel exemple de tolérence et de progrès techniques et scientifiques de toute l'histoire de l'humanité.
Mohamed Benyoucef.
Vienne, Autriche.

9/12/05 10:23  

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