L'espoir reste entier

L'espoir reste entier


Les violences de cet automne, perpétrées dans plusieurs villes et banlieues françaises, sont des actes négatifs, inquiétants et autodestructeurs. Il est nécessaire d’en connaître la nature et les causes et de s’engager, par la concertation, sur la voie d’une solution raisonnable et démocratique. Malgré tout, en effet, l’espoir reste entier. Sur le plan politique, ces violences sont le symptôme des profondes insuffisances - voire de l’échec flagrant - de ce qui a été fait, depuis près de quarante années, aussi bien pour ce qui concerne l’intégration et la gestion du passé colonial que pour l’élaboration d’une politique sociale cohérente. Elles tracent également, d’une certaine manière, les limites de ceux qui prétendent représenter la base. Des citoyens français qui, pour partie, sont issus de l’émigration et pratiquent la religion musulmane, se sentent comme abandonnés ou, plus grave encore, ont conscience de devenir les boucs émissaires des contradictions et des difficultés de la société. Il est impossible d’envisager sérieusement l'avenir si on ignore leur message et leur cri. Les jeunes victimes du racisme, de l’injustice et de l’exclusion doivent savoir que leur parole mérite d’être portée et transmise sous une autre forme que la violence : d’une façon réfléchie, pacifique et constructive, quelles que soient leurs rancœurs. En effet, si leur cause est légitime, leurs méthodes actuelles sont illégitimes. User de la violence, c’est nuire gravement à ce que l’on croit défendre : le droit d’être un citoyen à part entière. Il ne faut pas que les jeunes se trompent. Même s’ils en souffrent plus que d’autres, vu le développement de l'islamophobie, vu la ghettoïsation de leur univers qu’afflige un taux de chômage trois fois supérieur à la moyenne, vu les dérives internes des quartiers, la crise est générale. Il est désormais urgent de pratiquer le dialogue. La société française, soumise à la tentation d’oublier certains pans de l’Histoire, à la pression de la mondialisation effrénée du marché et, de façon plus générale, aux dérives de notre époque, a, de son côté, gravement négligé, ces dernières décennies, un de ses meilleurs atouts : sa capacité d’assumer la pluralité, le multiculturel et la justice sociale. Tous les citoyens, sans distinction aucune, ont besoin de la République et de l’Etat de droit pour les protéger contre la précarité et contre la montée des extrémismes de tous bords. Face à l’adversité, aux défis de l’injustice et à la crise du sens, chacun doit avoir à cœur de développer en soi la vigilance, la modération et l'ouverture. Malgré, ou à cause, de la révolte des uns, malgré, ou à cause, de la peur ou des préjugés des autres, la France, cette terre d’accueil, doit redevenir le lieu des efforts de compréhension réciproques, nourris par la volonté, encore vivace, de vivre ensemble qui habite tous ses enfants. Une communauté de destin entre les peuples, les cultures et les nations attend toujours d'être inventée autour de la Méditerranée; c’est à l’intérieur de nos sociétés respectives qu’elle doit naître et grandir. L'ouverture, le respect de la différence, la justice sociale sont et restent incontournables. Tout plaide pour un rapprochement stratégique entre nos deux pays, l’Algérie et la France. Ils sont capables d’être, aux yeux du monde, à l’avant-garde de l'amitié entre les peuples. Leur rapprochement, signe de l’alliance possible entre les deux rives de la Méditerranée, a pour sens premier de jeter les bases de cette nouvelle civilisation universelle qui nous fait tant défaut aujourd’hui.

Mustapha Cherif , Jean Sur